L’ETENDUE DE LA PERIODE DE PROTECTION DE LA MATERNITE

ET LES EVENEMENTS SUCCEDANT AU CONGE

(Cass. soc. 30.04.2014, n° 13-12.321 ; Cass. soc. 08.07.2015, n° 14-15.979)

 

 

Pendant sa maternité, la salariée bénéficie d’une protection spécifique contre le licenciement.

 

En effet, son contrat de travail ne peut être rompu :

 

  • ni pendant sa grossesse ;
  • ni pendant l’intégralité des périodes de suspension de son contrat de travail auxquelles elle a droit au titre de son congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit ;
  • ni pendant les 4 semaines qui suivent l’expiration du congé de maternité, sauf pour faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse (article L 1225-4 du Code du travail).

 

Le licenciement notifié pendant ces périodes et hors des motifs admis est nul.

 

A l’issue du congé de maternité, la salariée doit bénéficier d’un examen médical de reprise, pratiqué par le médecin du travail à la demande de l’employeur, dans un délai de 8 jours (article R 4624-22 du Code du travail).

 

Dans le cas où la salariée ne reprend pas le travail immédiatement après son congé de maternité, quel est le point de départ de la période de protection de 4 semaines contre le licenciement ?

 

La Cour de Cassation vient de confirmer que les règles ne sont pas uniformes sur ce point selon la nature de l’événement qui succède au congé.

 

 

I. Congés payés à l’issue du congé de maternité

 

Si la salariée prend des congés payés à l’issue de son congé de maternité, faut-il retenir comme point de départ de la période de protection de 4 semaines (i) la date d’expiration du congé de maternité, en faisant abstraction de la prise de congés payés (ii) ou la date d’expiration des congés payés correspondant à la date de reprise effective du travail ?

 

La question a fait débat entre les Cours d’Appel, certaines se prononçant en faveur de la première solution, s’en tenant à la lettre des dispositions du Code du travail (CA Paris 06.05.2004 n° 02-37991) et d’autres en faveur de la seconde, choisissant d’appliquer une position plus conforme à l’esprit de l’article L 1225-4 (CA Besançon 18.05.1990 n° 89-5334 ; CA Reims 11.02.2004 n° 00-985).

 

Se prononçant pour la première fois sur ce cas de figure, la Cour de Cassation a jugé, aux termes d’un arrêt du 30 avril 2014, que « la période de protection de 4 semaines suivant le congé de maternité étant suspendue par la prise des congés payés, son point de départ est reporté à la date de la reprise du travail par la salariée » (Cass. soc. 30.04.2014 n° 13-12.321).

 

En l’espèce, à la suite d’un congé de maternité prenant fin le 7 septembre 2004, la salariée avait pris des congés payés du 8 septembre au 20 octobre 2004.

 

La Cour de Cassation avait donné raison à la salariée en considérant que le délai de protection de 4 semaines, qui devait commencer le 8 septembre 2004 (lendemain de la fin du congé de maternité) s’était trouvé suspendu pendant la prise des congés payés, reporté au terme de ceux-ci et avait donc commencé le 21 octobre 2004. Le licenciement notifié le 16 novembre 2004 avait donc eu lieu pendant la période de protection, qui s’étendait du 21 octobre au 17 novembre 2004, et devait donc être annulé.

 

 

II. Arrêt de travail à l’issue du congé de maternité

 

La Cour de Cassation avait, semble-t-il, voulu donner son plein effet au statut protecteur légal en liant le délai de 4 semaines (destiné à prémunir les salariées contre le risque accru de licenciement auquel elles peuvent être exposées durant la période de réadaptation au travail consécutive à la grossesse) à l’exercice effectif par elles de leur activité professionnelle.

 

A l’occasion de l’arrêt du 30 avril 2014, la Cour de Cassation n’avait toutefois pas posé un principe général, permettant de considérer que la période de protection de 4 semaines devait être suspendue par toute absence régulière ou période de suspension du contrat de travail. Il paraissait donc que la règle était limitée à la seule prise des congés payés, et non pas, par exemple, au congé parental d’éducation, au congé de présence parentale ou à l’arrêt de travail pour maladie.

 

C’est ce que vient de confirmer la Haute Juridiction dans un arrêt du 8 juillet 2015 s’agissant de l’arrêt de travail pour maladie (Cass. soc. 08.07.2015 n° 14-15.979).

 

En l’espèce, à la suite d’un congé de maternité prenant fin le 21 juillet 2008, la salariée avait été en arrêt de travail pour maladie du 22 juillet au 22 août 2008, puis en congés payés jusqu’à la première semaine de septembre au cours de laquelle elle avait repris le travail.

 

Licenciée le 11 septembre 2008, la salariée soutenait que la rupture était intervenue pendant la période de 4 semaines suivant son retour dans l’entreprise, de sorte que le licenciement était nul faute pour l’employeur d’avoir invoqué une faute grave ou une impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse.

 

Elle n’a pas été suivie par la Cour de Cassation, qui a retenu que « si la période de protection de 4 semaines suivant le congé de maternité est suspendue par la prise des congés payés suivant immédiatement le congé de maternité, son point de départ étant alors reporté à la date de la reprise du travail par la salariée, il n’en va pas de même en cas d’arrêt de travail pour maladie ».

 

En l’absence de report, pour ce motif, du point de départ de la période de protection de 4 semaines, cette période avait donc bien débuté immédiatement après le congé de maternité.

 

La salariée faisait également valoir un autre moyen tiré des dispositions de l’article L 1225-21 du Code du travail, selon lequel « lorsqu’un état pathologique est attesté par un certificat médical comme résultant de la grossesse ou de l’accouchement, le congé de maternité est augmenté de la durée de cet état pathologique dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l’accouchement et de quatre semaines après la date de celui-ci ».

 

Soutenant qu’aucune disposition n’exigeait que l’arrêt de travail et l’état pathologique résultent du même certificat et qu’elle produisait un certificat postérieur (établi un an et demi plus tard…) mentionnant cet état, la salariée considérait que l’état pathologique pouvait être opposé à l’employeur.

 

Sur ce point également, la Cour de Cassation confirme l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait relevé que l’arrêt de travail pour maladie de la salariée du 22 juillet au 22 août 2008 ne mentionnait pas un état pathologique lié à la maternité et que l’attestation du médecin traitant indiquant l’état pathologique n’avait pas de valeur probante compte tenu de la date à laquelle il avait été établi.

 

 

III. Examen médical de reprise à l’issue du congé de maternité

 

C’est la même interprétation stricte des dispositions spéciales liées à la protection de la maternité à laquelle s’est livrée la Cour de Cassation s’agissant de la visite de reprise suivant le congé de maternité.

 

En effet, il est de jurisprudence constante que seul l’avis du médecin du travail émis dans le cadre de la visite de reprise met fin à la période de suspension du contrat de travail, même lorsque le salarié a repris effectivement son emploi (Cass. soc. 10.11.1998 n° 96-43.811).

 

Appliqué au cas de l’examen médical après le congé de maternité, ce principe aurait pu permettre de considérer que la période de suspension du contrat, et donc de protection contre le licenciement dont bénéficie la salariée reprenant son poste après son congé, n’avait pas expiré en l’absence d’une telle visite.

 

Or, la Cour de Cassation a décidé, aux termes d’un arrêt du 29 septembre 2004, que l’examen médical de reprise prévu par le Code du travail après un congé de maternité a pour seul objet d’apprécier l’aptitude de la salariée à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation de la salariée ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures. En conséquence, si l’absence d’organisation de cet examen médical cause un préjudice à la salariée, elle n’a pas pour effet de différer la fin de sa période de protection (Cass. soc. 29.09.2004 n° 02-42.461).

 

Ici, la différence de situation entre maladie professionnelle/accident du travail et maternité est en réalité liée à la différence d’objet de la visite de reprise. En effet, si dans les deux cas, la visite médicale a pour but d’apprécier l’aptitude du salarié à reprendre son poste de travail, dans le cas de la maternité, cette visite ne vient pas marquer le terme de la période de protection, qui est enfermée dans des délais fixés par le Code du travail.

 

Il reste que l’employeur doit, dans tous les cas, être particulièrement vigilant dans son analyse des périodes de suspension du contrat de travail et de protection contre le licenciement dont bénéficient les salariés…