STATUT CADRE ET FORFAIT

 

LA CONVENTION DE FORFAIT ANNUEL EN JOURS EST EXCLUSIVE DE LA QUALITE DE CADRE DIRIGEANT

(Cass. soc. 07.09.2017, n° 15-24.725)

 

 

Aux termes de l’article L 3111-2, alinéa 2 du Code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadres dirigeants les salariés qui remplissent les trois critères cumulatifs suivants :

 

  • ils sont en charge de responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps
  • ils sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome
  • ils perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou l’établissement.

 

 

Au regard de ces critères, la jurisprudence considère que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise (Cass. soc. 02.07.2014, n° 12-19.759).

 

La participation à la direction de l’entreprise ne constitue toutefois pas un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux (Cass. soc. 22.06.2016, n° 14-29.246), mais apparaît comme la conséquence directe de la réunion de ces trois critères.

 

Par ailleurs, ces critères doivent être analysés au regard des fonctions réellement occupées par le salarié dans l’entreprise, et pas uniquement au regard des stipulations de son contrat de travail ou d’une convention collective ou encore d’une fiche de poste (Cass. soc. 05.10.2011, n° 10-17.110 ; Cass. soc. 31.03.2016, n° 14-23.811).

 

 

L’intérêt de la notion de cadre dirigeant réside en ce que les salariés bénéficiant de ce statut ne sont pas soumis aux règles régissant la durée et le temps de travail des salariés : 

 

  • les règles relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires (heures supplémentaires, durées maximales) ne leur sont pas applicables ;
  • ils ne bénéficient pas davantage des règles relatives aux repos quotidien et hebdomadaire, aux jours fériés, au travail de nuit et au travail dominical.

 

Les cadres dirigeants bénéficient en revanche de toutes les autres dispositions du droit du travail, et notamment des dispositions relatives aux congés payés, aux congés pour événements familiaux, aux congés non rémunérés et au compte épargne temps.

 

A cet égard, mérite d’être souligné un arrêt de la Cour de Cassation en date du 7 septembre 2017.

 

Il en ressort que si la qualité de cadre dirigeant s’apprécie avant tout au regard des fonctions réellement exercées par le salarié, il est également nécessaire de tenir compte des stipulations du contrat de travail qui pourraient être incompatibles avec cette qualité.

 

En effet, la Cour de Cassation affirme que la mention dans le contrat de travail ou dans la promesse d’embauche valant contrat de travail de la soumission du salarié à un régime de forfait en jours exclut la qualité de cadre dirigeant.

 

Le salarié qui a signé une convention de forfait jours (même jugée sans effet) ne peut être considéré comme ayant la qualité de cadre dirigeant ; il n’est donc alors pas nécessaire d’examiner si les fonctions réellement exercées par le salarié pourraient être de nature à lui conférer la qualité de cadre dirigeant.

 

Si, en outre, la convention de forfait jours prévue n’est pas non plus valable, le salarié est fondé à réclamer le paiement de ses heures supplémentaires. 

 

 

LA CONVENTION DE FORFAIT ANNUEL EN JOURS N’EST PAS NULLE EN CAS DE NON-RESPECT DE L’ACCORD COLLECTIF

(Cass. soc. 22.06.2016, n° 14-15.171)

 

 

Le forfait en jours est une modalité d’organisation du temps de travail qui permet de décompter le travail en jours travaillés dans l’année, et non en heures sur la semaine.

 

Il est possible de conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année avec :

 

(1) les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;

(2) les salariés non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

 

Le recours au forfait annuel en jours impose toutefois au préalable qu’un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche l'autorise expressément (article L 3121-63 du Code du travail).

 

Depuis 2011, la chambre sociale de Cour de Cassation exige que toute convention de forfait en jours soit prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des jours de repos journaliers et hebdomadaires (Cass. soc. 29.06.2011, no 09-71.107).

 

A ce titre, la Cour exerce un contrôle sur le respect par l’employeur des accords dont les stipulations assurent la protection de la santé et la sécurité des salariés. Si l’accord collectif ne comprend pas de telles dispositions, les conventions de forfait en jours qui ont été conclues sur la base de cet accord sont nulles, c’est-à-dire non valables.

 

La question est de savoir quelles sont les conséquences en cas de non-respect par l’employeur des dispositions d’un accord collectif qui contient des dispositions assurant la protection de la sécurité et de la santé des salariés (par exemple : l’employeur n’a pas suivi la charge de travail des salariés, n’a pas organisé d’entretiens annuels de suivi..).

 

Dans l’affaire en cause, un salarié, directeur des ventes, licencié pour faute lourde, a saisi le Conseil de Prud’hommes pour réclamer notamment des dommages-intérêts pour absence de validité de sa convention de forfait en jours.

 

Au soutien de sa demande, il faisait valoir que l’employeur n’avait pas respecté l’accord d’entreprise dont les stipulations assurent la protection de la santé et de la sécurité des salariés.

 

Par un arrêt du 22 juin 2016, la Cour de Cassation confirme sa jurisprudence sur la sanction relative au non-respect par l’employeur de l’accord collectif d’entreprise : la convention individuelle de forfait n’est pas nulle mais seulement privée d’effet.

 

Les conséquences sont toutefois lourdes pour l’employeur puisque s’applique alors le régime de droit commun sur le temps de travail, notamment le paiement des heures supplémentaires effectuées, et qu’apparaît caractérisé l’élément intentionnel du travail dissimulé ouvrant droit à l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de 6 mois de salaire.

 

 

POUR L’APPRECIATION DE LA QUALITE DE CADRE DIRIGEANT, LA PARTICIPATION A LA DIRECTION DE L’ENTREPRISE NE CONSTITUE PAS UN CRITERE AUTONOME ET DISTINCT

SE SUBSTITUANT AUX TROIS CRITERES LEGAUX

(Cass. soc. 22.06.2016, n° 14-29.246)

 

 

Les cadres dirigeants sont exclus des dispositions du Code du travail sur la durée du travail, les repos et les jours fériés.

 

En application de l’article L 3111-2 du Code du travail, « sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ».

 

Le législateur a donc opté pour une définition des cadres dirigeants reposant sur trois critères cumulatifs :

 

  • l'exercice de responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps ;
  • l'existence d'une habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome ;
  • le versement d'une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou l'établissement.

 

 

Depuis un arrêt du 31 janvier 2012, la chambre sociale de la Cour de Cassation considère que seuls les cadres participant à la direction de l'entreprise relèvent de la catégorie des cadres dirigeants (Cass. soc. 31.01.2012, n° 10-24.412 ; Cass. soc. 02.07.2014, n° 12-19.759 ; Cass. soc. 05.03.2015, n° 13-20.817).

 

La Cour de Cassation a récemment précisé la portée de ce critère de « participation à la direction de l’entreprise ».

 

Dans l’affaire en cause, un salarié, directeur commercial, avait saisi le Conseil de Prud’hommes de diverses demandes, et notamment d'un rappel d'heures supplémentaires.

 

La Cour d'Appel avait fait droit à sa demande au motif que le salarié n'avait pas la qualité de cadre dirigeant au sens de l’article L 3111-2 dès lors que l'employeur ne démontrait pas qu'il participait réellement à la direction de l'entreprise, ce qui supposait un partage des responsabilités avec le gérant de la société.

 

La décision est toutefois cassée par la Cour de Cassation.

 

Pour la Haute Juridiction, si les trois critères impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l'entreprise, il n'en résulte pas que la participation à la direction de l'entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant à ces trois critères.

 

En pratique :

 

  • les juges du fond doivent donc d'abord examiner si les trois conditions exigées par l'article L 3111-2 du Code du travail sont réunies ;
  • si tel est le cas, ils doivent ensuite vérifier si le cadre participe ou non à la direction de l'entreprise, ce dernier critère ne pouvant pas, en tout état de cause, être déterminant à lui seul pour statuer sur la qualification de cadre dirigeant.