LITIGE PRUD'HOMAL

L’ADMISSION DE L’ENREGISTREMENT DELOYAL A TITRE DE PREUVE

(Cass. Ass. Plén. 22.12.2023, n° 20-20.648)

 

 

Jusqu’à présent, en matière civile, la jurisprudence rejetait systématiquement toute preuve déloyale, c’est-à-dire obtenue au moyen d’une manœuvre ou d’un stratagème (Cass. soc. 07.01.2011, n° 09-14.316 et 09-14.667).

 

Ainsi, un enregistrement pris à l’insu de la personne entendue ne pouvait être produit comme preuve devant les juridictions civiles et donc devant le Conseil de Prud’hommes.

 

Or, aux termes d’un arrêt rendu le 22 décembre 2023, constituant un véritable revirement de jurisprudence, l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation admet qu’il est possible de se prévaloir d’un enregistrement réalisé sans le consentement des parties pour prouver les fautes du salarié ou de l’employeur.

 

En l’espèce, c’est l’employeur qui, pour licencier un salarié pour faute grave en raison de son insubordination, se fondait sur deux enregistrements sonores clandestins obtenus lors d’entretiens tenus avec l’intéressé.

 

Selon la Cour, qui vise l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code de procédure civile, il y a lieu de considérer désormais que, dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats.

 

Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, « en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

 

Les parties ont donc désormais la liberté de produire en justice des enregistrements clandestins ou toute autre preuve obtenue de manière déloyale ou en recourant à un stratagème en violation de la vie privée, sous la réserve toutefois de l’appréciation du juge sur leur admission au regard des principes de nécessité et de proportionnalité.

 

 

En matière pénale, la Cour de Cassation considère depuis longtemps qu’aucune disposition légale ne permet au juge répressif d’écarter les moyens de preuve produits par des particuliers au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale (Cass. crim. 11.06.2002, n° 01-85.559).

 

Par un arrêt du 14 février 2006, elle a précisé que les enregistrements clandestins qui n’interviennent pas dans un contexte de vie privée mais à l’occasion de rapports professionnels ne sont pas punissables pénalement : « ne constitue pas une atteinte à la vie privée l’enregistrement d’une conversation téléphonique par l’un des interlocuteur à l’insu de l’autre, lorsque celle-ci porte sur l’activité professionnelle, peu importe que les propos aient été tenus dans la vie privée » (Cass. crim. 14.02.2006, n° 05-84.384)

 

La chambre criminelle de la Haute Juridiction a récemment jugé que ne constituait pas une infraction pénale le fait pour le salarié d’enregistrer l’entretien préalable au licenciement à l’insu de l’employeur, cet enregistrement n’étant pas de nature à porter atteinte à l’intimité de la vie privée, quand bien même les propos enregistrés auraient été tenus dans un lieu privé (Cass. crim. 12.04.2023, n° 22-83.581).

 

 

NOUVEAUX BAREMES IMPERATIFS D’INDEMNISATION POUR LICENCIEMENT INJUSTIFIE

(Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017)

 

 

L’ordonnance dite « Macron » n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail fixe un barème s’imposant aux juges pour déterminer le montant des réparations allouées en cas de licenciement injustifié (abusif ou sans cause réelle et sérieuse).

 

Alors que jusqu’ici, la loi n’imposait qu’un plancher de 6 mois de salaire brut pour les salariés dont l’ancienneté est d’au moins deux ans et à condition que l’effectif de l’entreprise soit d’au moins 11 salariés et ne prévoyait aucun maximum, il est dorénavant fixé des planchers et des plafonds en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise, avec :

 

- un montant minimum, compris entre 0,5 et 3 mois de salaire brut (à partir d’une année complète d’ancienneté) ;

- un montant maximum, compris entre 1 et 20 mois de salaire brut

 

 

Pour les entreprises dont l’effectif est au moins égal à 11 salariés :

 

 

 

MONTANT DE L’INDEMNITÉ POUR LICENCIEMENT

SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE

Ancienneté du salarié dans l’entreprise
(en années complètes)

Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)

Indemnité maximale
(en mois de salaire brut)

0

Sans objet

1

1

1

2

2

3

3,5

3

3

4

4

3

5

5

3

6

6

3

7

7

3

8

8

3

8

9

3

9

10

3

10

11

3

10,5

12

3

11

13

3

11,5

14

3

12

15

3

13

16

3

13,5

17

3

14

18

3

14,5

19

3

15

20

3

15,5

21

3

16

22

3

16,5

23

3

17

24

3

17,5

25

3

18

26

3

18,5

27

3

19

28

3

19,5

29

3

20

30 et au-delà

3

20

 

 

 

Pour les entreprises dont l’effectif est inférieur à 11 salariés :

 

Par dérogation au barème général précédent, des planchers d’indemnisation inférieurs sont appliqués lorsque le licenciement est notifié par une entreprise de moins de 11 salariés, à un salarié ayant moins de 10 ans d’ancienneté. Au-delà de 10 ans d’ancienneté, c’est le premier barème qui est applicable.

 

 

MONTANT DE L’INDEMNITÉ

POUR LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SERIEUSE

Ancienneté du salarié dans l’entreprise (en années complètes)

Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)

0

Sans objet

1

0,5

2

0,5

3

1

4

1

5

1,5

6

1,5

7

2

8

2

9

2,5

10

2,5

 

 

 

Ces barèmes d’indemnisation s’appliquent aux litiges nés de licenciements notifiés postérieurement à la publication de l’ordonnance, soit après le 23 septembre 2017.

 

Ils sont applicables en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail ou de prise d’acte de la rupture jugée justifiée.

 

Il convient de souligner en outre qu’en cas de versement d’une indemnité de licenciement légale ou conventionnelle élevée, le juge prud’homal peut en tenir compte pour déterminer le montant de l’indemnité prud’homale.

 

La mise en place de ce référentiel impératif s’accompagne de la suppression du barème indicatif instauré par la loi dite « Macron » du 6 août 2015.

 

 

Par exception, l’application du barème doit être écartée lorsque le juge constate que le licenciement est nul.

 

Sont visés les cas de nullités du licenciement liées :

 

- à la violation d’une liberté fondamentale (droit de grève, droit d’ester en justice, liberté syndicale, etc.) ;

- à des faits de harcèlement moral ou sexuel ;

- à un motif discriminatoire ou à l’exercice d’une action en justice tendant à faire constater l’existence d’une discrimination ;

- à l’exercice d’une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes ou en matière de dénonciation de crimes et délits ;

- ou encore causées par la violation des protections spécifiques liées à l’exercice d’un mandat, à la maternité et à la paternité, ainsi qu’aux accidents du travail et maladies professionnelles.

 

Dans ce cas, l’indemnité accordée est seulement soumise à un plancher minimal de 6 mois de salaire, sans plafonnement.

 

 

NOUVEAUX BAREMES INDICATIFS D’INDEMNISATION POUR LICENCIEMENT INJUSTIFIE

(Décrets n° 2016-1581 et 2016-1582 du 23 novembre 2016)

 

 

La loi dite « Macron » du 6 août 2015 a prévu la possibilité pour le juge prud’homal de prendre en compte un référentiel indicatif pour déterminer le montant des dommages et intérêts à accorder au salarié en cas de licenciement injustifié (sans cause réelle et sérieuse ou abusif).

 

Un premier décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016 a fixé le référentiel indicatif d’indemnisation devant le bureau de jugement du Conseil de Prud’hommes, prévu par l’article L 1235-1 du Code du travail.

 

Un deuxième décret n° 2016-1582 du même jour a révisé le barème de l’indemnité forfaitaire de conciliation déjà existant.

 

Les textes sont entrés en vigueur le lendemain de leur publication, soit le 26 novembre 2016.

 

 

Fixation d’un barème indicatif d’indemnisation devant le bureau de jugement

 

Le barème indicatif de fixation des dommages et intérêts devant le bureau de jugement prend en compte trois critères :

 

- l’ancienneté du salarié : chaque année complète de travail, dans la limite de 43 ans, augmente l’indemnité versée ;

- son âge : le montant est majoré à partir d’un certain âge de l’intéressé ;

- les difficultés de retour à l’emploi : le montant est également majoré en cas de difficultés particulières.

 

Le barème est le suivant :

 

Ancienneté du salarié             Mois de salaire

Moins d’un an :                          1 mois de salaire

1 an :                                       2 mois de salaire

2 ans :                                      3 mois de salaire

3 ans :                                      4 mois de salaire

4 ans :                                      5 mois de salaire

5 ans :                                      6 mois de salaire

6 ans :                                      6,5 mois de salaire

7 ans :                                      7 mois de salaire

8 ans :                                      7,5 mois de salaire

9 ans :                                      8 mois de salaire

10 ans :                                    8,5 mois de salaire

11 ans :                                    9 mois de salaire

12 ans :                                    9,5 mois de salaire

13 ans :                                    10 mois de salaire

14 ans :                                    10,5 mois de salaire

15 ans :                                    11 mois de salaire

16 ans :                                    11,5 mois de salaire

17 ans :                                    12 mois de salaire

18 ans :                                    12,5 mois de salaire

19 ans:                                     13 mois de salaire

20 ans :                                    13,5 mois de salaire

21 ans :                                    14 mois de salaire

22 ans :                                    14,5 mois de salaire

23 ans :                                    15 mois de salaire

24 ans :                                    15,5 mois de salaire

25 ans :                                    16 mois de salaire

26 ans :                                    16,5 mois de salaire

27 ans :                                    17 mois de salaire

28 ans :                                    17,5 mois de salaire

29 ans :                                    18 mois de salaire

30 ans :                                    18,25 mois de salaire

31 ans :                                    18,5 mois de salaire

32 ans :                                    18,75 mois de salaire

33 ans :                                    19 mois de salaire

34 ans :                                    19,25 mois de salaire

35 ans :                                    19,5 mois de salaire

36 ans :                                    19,75 mois de salaire

37 ans :                                    20 mois de salaire

38 ans :                                    20,25 mois de salaire

39 ans :                                    20,5 mois de salaire

40 ans :                                    20,75 mois de salaire

41 ans :                                    21 mois de salaire

42 ans :                                    21,25 mois de salaire

au-delà de 43 ans :                     21,5 mois de salaire.

 

Les montants sont majorés d’1 mois :

 

- si le salarié était âgé d’au moins 50 ans à la date de la rupture ;

- en cas de difficultés particulières de retour à l’emploi du salarié tenant de sa situation personnelle et à son niveau de qualification au regard de la situation du marché du travail au niveau local ou dans le secteur d’activité considéré.

 

Désormais, le juge peut, pour fixer le montant des indemnités, prendre en compte ce référentiel indicatif qui ne s’impose donc pas à lui.

 

L’application du barème est laissée à son appréciation, sauf si le salarié et l’employeur demandent conjointement à ce qu’il soit appliqué. Dans ce dernier cas, le juge doit obligatoirement fixer l’indemnité par la seule application du référentiel.

 

Cette indemnité s’ajoute aux indemnités légales, conventionnelles ou/et contractuelles (indemnité de licenciement, préavis, etc.).

 

Par ailleurs, ce barème s’applique sous réserve des dispositions légales fixant un montant forfaitaire minimal d’indemnisation.

 

En effet, selon la loi, lorsque le salarié a plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement plus de 11 salariés, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieure à 6 mois de salaire (article L 1235-3 du Code du travail).

 

Le décret du 23 novembre 2016 fixe, notamment pour ce cas, un montant inférieur à la loi. La loi devant prévaloir sur le décret, le référentiel ne pourra donc s’appliquer que sous réserve de ces dispositions du Code du travail.

 

Modification du barème de l’indemnité forfaitaire de conciliation

 

Un barème de référence pour la fixation d’une indemnité forfaitaire de conciliation avait été créé par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013.

 

Pendant la phase de conciliation concernant un litige relatif à un licenciement, l’employeur a la possibilité de signer un accord avec le salarié sur le versement d’une indemnité forfaitaire et de mettre ainsi fin au litige. Cette indemnité vient en complément des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles dues au salarié.

 

Les parties peuvent convenir du montant de l’indemnité en se basant sur ce barème de référence défini en fonction de l’ancienneté du salarié, barème qui vient d’être modifié pour être mis en cohérence avec le nouveau référentiel indicatif d’indemnisation applicable pendant la phase de jugement.

 

La plupart des montants ont ainsi été augmentés et sont actuellement les suivants :

 

Ancienneté du salarié                         Mois de salaire

Inférieure à un 1 an :                            2 mois de salaire

Au moins égale à 1 an :                       3 mois de salaire + 1 mois de salaire par année supplémentaire jusqu’à 8 ans d’ancienneté

Entre 8 ans et moins de 12 ans :            10 mois de salaire

Entre 12 ans et moins de 15 ans :          12 mois de salaire

Entre 15 ans et moins de 19 ans :          14 mois de salaire

Entre 19 ans et moins de 23 ans :          16 mois de salaire

Entre 23 ans et moins de 26 ans :          18 mois de salaire

Entre 26 ans et moins de 30 ans :          20 mois de salaire

Au moins égale à 30 ans :                     24 mois de salaire.

 

Toutefois, en pratique, ce barème est très peu appliqué.

 

 

BAREME DE L'INDEMNITE FORFAITAIRE PREVUE EN CAS DE CONCILIATION PRUD'HOMALE

(Décret n° 2013-721 du 2 août 2013)

 

  

En application de l'article L 1235-1 du Code du travail, issu de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, en cas de contentieux relatif à un licenciement, les parties peuvent choisir d'y mettre un terme, lors de l’audience de conciliation devant le Conseil de Prud’hommes, en contrepartie du versement par l'employeur au salarié d'une indemnité forfaitaire.

 

Cette indemnité est calculée en référence à un barème tenant compte de l'ancienneté du salarié et qui comporte 5 niveaux.

 

Ce barème a été fixé comme suit par le décret du 2 août 2013 et inséré dans le Code du travail au nouvel article D 1235-21 :

 

 

Ancienneté du salarié                                                      Mois de salaire

 

  Inférieure à 2 ans :                                                           2 mois

  De 2 ans à moins de 8 ans :                                               4 mois

  De 8 ans à moins de 15 ans :                                             8 mois

  De 15 ans à 25 ans :                                                         10 mois

  Au-delà de 25 ans :                                                           14 mois

 

 

Ce barème est applicable à compter du 8 août 2013, soit au lendemain de la publication du décret au Journal Officiel.

 

Il ne s’agit que d’un barème indicatif, les parties pouvant s'accorder sur le règlement d’une somme supérieure.

 

 

  

DES EMAILS PROVENANT DE LA MESSAGERIE PERSONNELLE DU SALARIE ONT UN CARACTERE PROFESSIONNEL S’ILS SONT ENREGISTRES SUR L’ORDINATEUR PROFESSIONNEL, SANS IDENTIFICATION DE LEUR CARACTERE « PERSONNEL »

(Cass. soc. 19.06.2013, n° 12-12.138)

 

 

Dans cette affaire, une agence de publicité a licencié pour faute grave son directeur artistique au motif de concurrence déloyale.

 

En effet, après saisie et analyse du disque dur de l’ordinateur professionnel du salarié, hors sa présence, l’expert informatique mandaté par l’employeur avait mis en évidence la présence de nombreux emails échangés entre le salarié et l’un de ses collègues ainsi que de salariés d’une agence concurrente, emails émis depuis l’adresse de messagerie personnelle du salarié, puis utilisés et exploités sous forme de fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur professionnel.

 

Le salarié a contesté son licenciement en faisant valoir que l’employeur n’était pas autorisé à utiliser, à titre de preuve, des emails provenant de sa messagerie personnelle ; selon lui, la société avait ainsi eu recours à un mode de preuve illicite dès lors que l’ordinateur professionnel du salarié avait été consulté en son absence en violation des règles de protection de la vie privée des salariés, impliquant le secret de la correspondance et des données personnelles.

 

La Cour de Cassation n’a pas suivi l’argumentation du salarié.

 

Elle a rappelé tout d’abord les principes de base qu’elle a dégagés concernant le caractère « professionnel » ou « personnel » des fichiers et courriers électroniques se trouvant dans l’ordinateur professionnel du salarié :

 

« Attendu que les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence. »

 

Ainsi :

 

- le contenu du disque dur de l’ordinateur professionnel, ainsi que sa messagerie, est présumé avoir un caractère professionnel : l’employeur peut donc y avoir accès, consulter l’ensemble de son contenu, et le cas échéant, l’utiliser en vue de démontrer la réalité du ou des griefs reprochés au salarié concerné ;

 

- toutefois, lorsque le salarié a identifié clairement comme « personnel » un email, un fichier et/ou un dossier présent dans l’ordinateur professionnel, celui-ci est protégé comme « correspondance privée » du salarié : l’employeur n’y a pas accès et il ne peut l’utiliser à titre de preuve des agissements du salarié.

 

 

La Cour a appliqué strictement ces règles aux emails émis depuis l’adresse de messagerie électronique personnelle du salarié.

 

Elle a considéré que « des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié ».

 

Ainsi, dès lors que le salarié intègre dans le disque dur de l’ordinateur professionnel des emails ou fichiers même émanant initialement de sa messagerie électronique personnelle, ces emails et fichiers supportent, du seul fait de leur localisation, la présomption de leur caractère « professionnel ». L’employeur est donc libre d’en prendre connaissance.

 

Il ne peut en être autrement que si le salarié identifie expressément ces emails et fichiers comme « personnels ».

 

 

De la loyauté des preuves obtenues par le salarié : message sur répondeur téléphonique, enregistrement téléphonique, SMS…

(Cass. soc. 06.02.2013, n° 11-23.738)

 

 

Pour contester son licenciement et/ou démontrer l’existence d’une attitude fautive de son employeur à son égard (constitutive de harcèlement notamment), le salarié peut disposer de témoignages extérieurs, mais parfois aussi d’éléments de preuve émanant de l’auteur lui-même.

 

Cette hypothèse n’est pas réservée aux employeurs qui auraient eu « l’imprudence » d’écrire…

 

Certes, il ne fait pas de doute que la lettre, la télécopie et l’email de l’employeur constitueraient des preuves recevables.

 

Mais en matière de validité des modes de preuve, la distinction entre la parole et l’écrit n’est pas pertinente.

 

Le critère déterminant retenu par la Cour de Cassation est la connaissance, ou l’absence d’ignorance, par l’employeur de la possible conservation de son message par le salarié, et donc de l’utilisation que ce dernier peut en faire.

 

 

L’employeur ne pouvait ignorer…

 

Dans ce cadre, la Cour de Cassation vient de juger que la retranscription par un huissier de justice d’un message vocal laissé par un employeur sur le téléphone portable d’un salarié constitue un mode de preuve valable dès lors que « l’auteur ne peut ignorer que les messages téléphoniques vocaux sont enregistrés sur un appareil récepteur » (Cass. soc. 6 février 2013, n° 11-23.738).

 

L’employeur, qui tentait de faire valoir qu’un message laissé sur le répondeur d’un téléphone mobile n’était pas assimilable à un écrit et n’avait pas, dans l’esprit de son auteur, vocation à être conservé, de sorte que sa communication constituerait un procédé déloyal, n’a pas été suivi.

 

C’est à l’aune de ce même critère que sont jugés les messages écrits adressés par téléphone, dits SMS (Short Message Service).

 

La Haute Juridiction considère ainsi que les SMS constituent un mode de preuve recevable en justice car « l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur » (Cass. soc., 23 mai 2007, n° 06-43.209).

 

En conséquence de la recevabilité desdites preuves, le salarié :

 

- dans le premier cas, a pu démontrer, via les messages vocaux laissés par son employeur sur son répondeur téléphonique et retranscrits par huissier, qu’il avait, un mois avant son licenciement notifié par lettre recommandée, été licencié verbalement, ce qui suffisait à rendre la rupture sans cause réelle et sérieuse ;

 

- dans le second cas, a pu faire établir, via la teneur des SMS adressés par son employeur et constatés par huissier, l’existence d’un harcèlement sexuel de la part de ce dernier.

 

 

L’employeur ignorait nécessairement…

 

Par application d’un raisonnement identique, la Cour de Cassation avait déjà jugé, et le confirme dans les deux décisions précitées, qu’à l’inverse, l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue (Cass. soc. 29 janvier 2008, n° 06-45.814).

 

Il en est de même de l’enregistrement qu’effectuerait un salarié de la teneur de l’entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire ou un éventuel licenciement.

 

A ce titre, des Cours d’Appel ont jugé que :

 

-      un salarié ne saurait utilement soutenir que les griefs invoqués par son employeur à l’appui d’une mesure de licenciement n’auraient pas été invoqués au cours de l’entretien préalable en se fondant pour ce faire sur un enregistrement par lui opéré sur bande magnétique à l’insu de son employeur (CA Reims 4 février 1980 Moutard / Société Deville) ;

 

-        un salarié viole l’obligation générale de loyauté qui persiste lors de l’entretien préalable en enregistrant sans l’accord du représentant de l’employeur les propos tenus au cours de cet entretien (CA Douai, 23 juin 2004, Duchatel / SA Totem investissement.

 

 

La chambre criminelle juge toutefois que ne constitue pas une atteinte à la vie privée et, partant, un délit, le fait d’enregistrer, à l’insu de l’employeur, un entretien préalable portant sur un éventuel licenciement dès lors que les propos enregistrés entrent dans le seul cadre de l’activité professionnelle (Cass. crim. 16 février 1990, n° 89-83075).

 

 

Le salarié non plus ne peut pas ignorer…

 

Désormais, l’employeur ne peut plus considérer comme anodins ses éventuels rapports téléphoniques avec ses salariés et devra avoir à l’esprit que les messages oraux ou écrits qu’il leur transmet via ce support sont des preuves admissibles qui pourraient leur être défavorables dans le cadre d’un contentieux ultérieur.

 

Toutefois, si la preuve demeure un enjeu majeur, la recevabilité des modes de preuve joue de manière réciproque.

 

Les salariés ne doivent pas négliger le fait que ces modes de preuve pourraient, de la même façon, être utilisés par l’employeur pour établir une faute de leur part.

 

Tel pourrait être le cas de la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire à la suite de la réception par l’employeur d’un message injurieux de l’un de ses subordonnées, ou encore de la communication devant la juridiction prud’homale d’un message d’aveu du salarié d’une faute commise…