CONTRAT A DUREE DETERMINEE

 

LE DELAI DE PRESCRIPTION D’UNE ACTION EN REQUALIFICATION D’UN CDD EN CDI, FONDEE SUR L’ABSENCE D’UNE MENTION OBLIGATOIRE, COURT A COMPTER DE LA DATE DE CONCLUSION DU CDD

(Cass. soc. 03.05.2018, n° 16-26.437)

 

 

Le motif et les modalités de recours au contrat à durée déterminée (CDD) sont strictement encadrés par la loi.

 

Outre qu’il ne peut être conclu que dans certains cas limités énumérés par l’article L 1242-1 du Code du travail, le contrat conclu doit obligatoirement contenir certaines mentions prévues par l’article L 1242-12 du même Code.

 

Les sanctions liées à l’absence de certaines mentions obligatoires sont différentes selon la nature de ces mentions et les conséquences pour le salarié. Ainsi, l’absence de stipulation portant sur la convention collective applicable sera réparée par l’octroi de dommages et intérêts (Cass. soc. 26.10.1999, n° 97-41.992). En revanche, l’absence de définition précise du motif emporte la requalification du CDD en CDI.

 

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ici examiné, le salarié avait conclu un premier CDD du 12 au 31 juillet 2004, puis il avait de nouveau été embauché en CDD par la même entreprise pour différentes périodes entre le 12 janvier 2010 et le 15 janvier 2014.

 

Arguant de l’absence de mention du motif de recours dans le premier CDD de 2004, le salarié a sollicité la requalification du CDD en CDI le 6 janvier 2014.

 

Le Conseil de Prud’hommes, puis la Cour d’Appel ont requalifié le contrat conclu le 12 janvier 2010 en CDI mais ont débouté le salarié de ses autres demandes considérant que l’action du salarié était prescrite s’agissant de la requalification du CDD conclu 10 ans plus tôt. L’intéressé a formé un pourvoi en cassation, qui sera rejeté.

 

La question de la prescription applicable était donc au cœur des débats, le salarié soutenant que le point de départ du délai de prescription devait être fixé à la date du terme du dernier CDD signé.

 

En premier lieu, dans son arrêt du 3 mai 2018, la Cour de Cassation se prononce sur le délai de prescription en retenant un délai de deux ans en application de l’article L 1471-1 du Code du travail, dans sa version alors applicable au litige, selon laquelle toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son droit. Elle confirme ainsi une solution rendue dans un arrêt le 31 janvier 2018 (Cass. soc, 31.01.2018, n° 16-23.602) et ne retient pas le délai de cinq ans visé à l’article 2224 du Code civil.

 

Il est donc probable que la Cour de Cassation tiendra compte à l’avenir de la nouvelle rédaction de l’article L 1471-1 (issu de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018), qui a réduit le délai de prescription s’agissant de la rupture du contrat de travail de deux ans à douze mois.

 

 

En second lieu, la Cour de Cassation fixe le point de départ de la prescription : « le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat ».

 

Dès lors que la demande de requalification est fondée sur le défaut d’indication du motif du recours au CDD, le point de départ de la prescription est donc fixé à la date de conclusion de ce contrat, et non au terme du dernier CDD signé.

 

La solution devrait être différente lorsque l’action en requalification concerne d’autres cas de demandes de requalification des CDD en CDI. Ainsi, une action en requalification qui serait fondée sur un autre motif, tel que le non-respect du délai de carence, ne devrait voir le délai de prescription commencer à courir qu’à compter de la découverte par le salarié du non-respect par l’employeur des prescriptions légales en la matière.

 

De la même façon, lorsque le recours à plusieurs CDD permet de pourvoir un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise, le délai de prescription ne semble courir qu’à compter du terme du dernier CDD (Cass. soc. 08.11.2017, nº 16-17.499).

 

 

 

LE SALARIE DOIT NECESSAIREMENT AVOIR DONNE SON ACCORD AU RENOUVELLEMENT DU CDD AVANT SON TERME, SA PRESENCE APRES LE TERME NE VALANT PAS ACCORD

(Cass. soc. 05.10.2016, n° 15-17.458)

 

 

En application de l’article L 1243-13 du Code du travail, les conditions de renouvellement du contrat à durée déterminée sont précisées dans le contrat initial ou font l’objet d’un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu.

 

En l'espèce, le CDD d’un salarié ayant pour terme le 31 décembre 2013 avait été renouvelé par un avenant à effet du 1er janvier 2014 au 1er mars 2014.

 

Le salarié a demandé la requalification de la relation de travail en relation globale à durée indéterminée au motif que son exemplaire de l’avenant de renouvellement comportait une date de signature postérieure au terme du contrat initial.

 

Pour échapper à cette demande, l’employeur faisait valoir que la date de signature de son exemplaire de l’avenant était pour sa part antérieure au terme du contrat initial. Il ajoutait que la présence du salarié à son poste dès le jour suivant la fin du CDD initial prouvait l’acceptation par ce dernier du renouvellement de son contrat avant son terme.

 

La Cour d’Appel avait retenu l’argumentation de l’employeur, mais sa décision est cassée par la chambre sociale de la Cour de Cassation.

 

Dans un attendu de principe, la Haute Cour juge que le CDD initial, faute de prévoir les conditions de son renouvellement, ne peut être renouvelé que par la conclusion d’un avenant avant le terme initialement prévu. A défaut, il devient un CDI dès lors que la relation de travail s’est poursuivie après l’échéance du terme. Il ne suffit donc pas que l’avenant soit soumis au salarié avant le terme du contrat initial, mais bien que l’accord des parties soit formalisé avant cette date.

 

La Cour de Cassation précise ensuite que la seule circonstance que le salarié ait travaillé après le terme du CDD initial ne permet pas de déduire qu’il a donné son accord avant ce terme pour le renouvellement.

 

Il ressort implicitement de cette décision qu’il appartient à l’employeur, qui entend s’opposer à une action en requalification formée par le salarié resté dans l’entreprise au-delà du terme du contrat initial, de prouver que celui-ci a donné, avant ce terme, son accord pour le renouvellement.

 

 

EN CAS DE REQUALIFICATION DE CDD EN CDI, L’ANCIENNETE DU SALARIE EST FIXEE AU PREMIER CDD IRREGULIER

(Cass. soc. 03.05.2016, n° 15-12.256)

 

 

En application de l’article L 1245-1 du Code du travail, le défaut de respect de certaines règles de fond et de forme spécifiques au contrat de travail à durée déterminée (CDD) entraîne la requalification du contrat en un contrat de travail à durée indéterminée (CDI).

 

Lorsque le Conseil de Prudhommes prononce la requalification du ou des CDD en CDI, la question se pose de savoir à quelle date doit être prise en compte l’ancienneté du salarié.

 

En effet, lorsque le ou les CDD successifs ont été requalifiés en CDI, la rupture du contrat décidée par l’employeur est un licenciement. Le salarié a donc droit notamment à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, à l’indemnité compensatrice de préavis et à une indemnisation au titre de son licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse, en plus de l’indemnité de requalification d’un mois de salaire prévu par le Code du travail.

 

L’employeur peut également être amené à verser des rappels de salaire ainsi qu’une prime d’ancienneté.

 

Dans un arrêt du 3 mai 2016, la Cour de Cassation tranche le litige portant sur l’ancienneté à retenir en cas de requalification des CDD en CDI.

 

En l’espèce, un salarié avait été embauché en CDI après plusieurs CDD chez le même employeur.

 

A la suite de son licenciement pour faute grave, le salarié avait saisi le Conseil de Prud’hommes afin d’obtenir, d’une part, la requalification des CDD en CDI et, d'autre part, le paiement de diverses sommes dont une prime d’expérience tenant compte de son ancienneté depuis son premier CDD dans l’entreprise.

 

Les juges du fond ont prononcé la requalification de la succession des CDD à compter du premier contrat irrégulier mais ont considéré que la prime d’ancienneté n’avait pas à être versée à la date du premier contrat litigieux dès lors que :

 

- presque 2 ans s’étaient écoulés entre la fin du dernier CDD et l’embauche du salarié en CDI ;

- le salarié n’avait pas prouvé s’être tenu à la disposition de l’employeur pendant cette période.

 

 

La Cour de Cassation censure cette analyse et réaffirme le principe selon lequel par l’effet de la requalification des CDD, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un CDD irrégulier. Elle en déduit qu’il est en droit de se prévaloir à ce titre d’une ancienneté remontant à cette date.

 

Ainsi, l’ancienneté du salarié engagé en CDI après une succession de CDD ultérieurement requalifiée en relation à durée indéterminée se décompte depuis son premier CDD irrégulier, même s’il ne s’est pas toujours tenu à la disposition de son employeur entre ses différents contrats.

 

En revanche, si le salarié demande un rappel de salaires pour les périodes comprises entre les CDD requalifiés, il doit démontrer qu'il s'est constamment tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes (Cass. soc. 03.06.2015, n° 14-15.587 ; Cass. soc. 16.09.2015, n° 14-16.277).

 

 

 

LES ALLOCATIONS DE CHOMAGE PERCUES ENTRE LES CDD NE REDUISENT PAS LE RAPPEL DE SALAIRE DU EN CAS DE REQUALIFICATION EN CDI

(Cass. soc. 16.03.2016, n° 15-11.396)

 

 

En cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée, le salarié peut obtenir un rappel de salaires au titre des périodes interstitielles (entre chaque CDD) s’il établit s’être constamment tenu à la disposition de l’employeur pendant celles-ci (Cass. soc. 30.11.2010 n° 09-40.160 ; Cass. soc. 10.12.2014 n° 13-22.422).

 

La Cour de Cassation considère que l’inscription au chômage entre deux CDD n’exclut pas que le salarié se soit tenu à la disposition de l’employeur (Cass. soc. 25.06.2013 n° 11-22.646).

 

Pour la première fois, aux termes d’un arrêt du 16.03.2016, la Haute Juridiction se prononce l’incidence de la perception d’allocations de chômage sur le montant du rappel de salaire dû au salarié dont les CDD sont requalifiés en CDI.

 

En l’espèce, l’employeur soutenait que le montant des allocations de chômage perçues par le salarié entre les différents CDD requalifiés devait être déduit des rappels de salaire correspondant aux périodes interstitielles.

 

La Cour de Cassation ne suit pas cette analyse et juge que le montant des rappels de salaire n’est pas affecté par les allocations de chômage qui ont pu être versées au salarié.

 

 

LA LETTRE DE RUPTURE PEUT VALOIR LETTRE DE LICENCIEMENT EN CAS DE

REQUALIFICATION DE CDD EN CDI

(Cass. soc. 20.10.2015, n° 14-23.712)

 

 

Lorsqu’un contrat à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée, les règles propres à la rupture du CDI s’appliquent de plein droit à la fin de la relation contractuelle (Cass. soc. 13.12.2007 n° 06-44.004).

 

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de Cassation du 20 octobre 2015, un salarié, engagé par CDD d’usage d’un mois renouvelés pendant 16 ans jusqu’à ce que l’employeur décide de ne plus faire appel à lui, a sollicité la requalification en CDI de la relation contractuelle, ainsi qu’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Les juges du fond ont fait droit à sa demande de requalification en CDI et ont retenu que la rupture devait effectivement s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de la requalification, estimant ne pas avoir à tenir compte du courrier électronique du directeur des ressources humaines qui avait indiqué au salarié les motifs pour lesquels il était mis fin à la relation de travail.

 

Ce raisonnement est sanctionné par un attendu de principe de la chambre sociale de la Cour de Cassation : il appartient au juge qui requalifie la relation contractuelle en CDI de rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des motifs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

 

Ainsi, le juge n’est pas dispensé de vérifier que la lettre de rupture des relations contractuelles adressée le cas échéant au salarié peut faire office de lettre de licenciement indiquant des motifs matériellement vérifiables justifiant le licenciement.

 

Selon la Cour de Cassation, les juges doivent vérifier :

 

  • d’une part, que la lettre de rupture vaut lettre de licenciement : ce qui signifie qu’il doit s’agir d’une lettre énonçant les motifs de rupture de la relation contractuelle émanant de l’employeur ;

 

  • d’autre part, qu’elle contient des motifs matériellement vérifiables de nature à justifier un licenciement.

 

 

La chambre sociale de la Cour de Cassation confirme ainsi la position qu’elle avait déjà retenue dans un arrêt de 2013 (Cass. soc. 07.05.2003 n° 00-44.396).

 

Il avait été jugé, s’agissant d’un professeur engagé par CDD successifs correspondant chacun à l’année universitaire, que la lettre de non-renouvellement de la relation contractuelle pour l’année suivante, qui invoquait les critiques des étudiants et des parents ainsi qu’un manque de coordination dans l’enseignement avec ses collègues, énonçait des griefs matériellement vérifiables et que le licenciement du professeur avait une cause réelle et sérieuse.

 

 

L’INDEMNITE DE FIN DE CONTRAT N’ENTRE PAS DANS LE CALCUL DE L’INDEMNITE DE REQUALIFICATION DU CDD EN CDI

(Cass. soc. 18.12.2013, n° 12-15.454)

 

 

A l’issue d'un contrat de travail à durée déterminée (CDD), lorsque les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée (CDI), le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat, égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié, en application de l’article L 1243-8 du Code du travail.

 

Dans l’hypothèse où le salarié sollicite et obtient du Conseil de Prud’hommes la requalification de son CDD en CDI, l'employeur est obligatoirement condamné à lui payer une indemnité de requalification, en vertu de l’article L 1245-2 du même Code.

 

Les deux indemnités, de fin de contrat et de requalification, peuvent donc se cumuler.

 

On peut toutefois s’interroger sur le point de savoir si l'indemnité de fin de contrat doit ou non entrer dans le calcul de l'indemnité de requalification.

 

Pour la première fois, aux termes d’un arrêt du 18 décembre 2013, la Cour de Cassation répond par la négative.

 

Elle décide que pour le calcul des indemnités de rupture comme pour l’indemnité de requalification d’un CDD en CDI, il convient de retenir la rémunération moyenne versée au salarié, sans y intégrer l'indemnité de fin de contrat.

 

Sa décision est justifiée par le fait que l’indemnité de fin de contrat est destinée à compenser la précarité du salarié en CDD, ce qui exclut qu’elle puisse être prise en compte dans le calcul des salaires moyens versés à l’intéressé.